Edito - Vive les championnats du monde !
- Raphaël Sachetat

- 3 sept.
- 7 min de lecture

Voilà. Les taraflex sont de retour dans leurs tubes, les lumières éteintes, le village du badminton démantelé. Quelques heures après l’euphorie, l’Adidas Arena avait repris ses atours habituels, prête à recevoir le Paris Basket. Le claquement des volants semble encore résonner au loin, comme l’écho d’une belle histoire qui s’est achevée ce dimanche soir…
Les championnats du monde à Paris, on en rêvait depuis la fin des Jeux. Comme si nous avions droit à un « replay » de ferveur, à une deuxième dose de ce shoot d’adrénaline que seul le sport sait distiller. Dans le même lieu, en plus. Avec des visages très familiers, non seulement dans le milieu du bad, forcément investi, mais aussi parmi ceux qui avaient déjà œuvré à l’épopée olympique. Trop heureux de retrouver, eux aussi, ces badistes (et parabadistes en spectateurs de choix) qu’ils avaient pour la plupart découverts jadis.

La fête fut belle. ô combien. Avec son lot de dramaturgie, de magnifiques histoires. Et comme souvent, cette aventure humaine pour tous ceux qui, depuis les coulisses, parfois dans l’ombre, ont donné par brassées du bonheur aux 50 000 spectateurs qui ont foulé le parvis de la porte de la Chapelle. Car c’est bien de cela dont il s’agit : un vrai bonheur de partager cette passion commune pour l’excellence, la vitesse, pour ce sport qui lit toute une communauté.
Sur les tapis, nous avons donc vécu des moments historiques. Il faudrait un roman pour tous les mentionner. Avec nos trois mousquetaires en simple, et l’incroyable destinée de ces frangins Popov, que nul n’ effraye, billes en tête, Têtes de mules à continuer à faire du simple et du double, à faire les 401 coups, et de continuer à faire jaser. Leur choix leur appartient, on l’a déjà dit. Et peut-être que ce petit plus d’énergie à ne pas faire deux tableaux leur aurait permis de remporter ces matchs finalement perdus in-extremis. Mais peut-être pas. On ne le saura sans doute jamais. Mais quelle joie de les voir évoluer à ce niveau. Christo qui pousse le futur vainqueur Shi Yuqi dans ses derniers retranchements, avec classe, panache et créativité. Tomi qui s’offre une nouvelle fois le scalp de l’Indonésien Ginting dans une salle en furie, avant de tomber, une nouvelle fois, mais toujours plus proche, contre ce diable d’Antonsen au jeu si disruptif.
Des quarts de finale de mondiaux ainsi accrochés – on n’y aurait pas cru il y a encore 2 ans…Alors, bien sûr, il y a Alex, qui aurait sans doute pu aller plus loin, et qui n’a pas pu jouer son jeu. Sans doute par désir de trop bien faire. Sans doute rattrapé par une pression monumentale, encensé par les médias, sur tous les fronts. On a beau être ultra mûr, on est jamais préparé à telle déferlante d’attentions, de pression sous-jacente, de non-dits lourds à porter pour un jeune homme de 20 ans, qui, plus que tout le monde, était déçu de n’avoir pas été au rendez-vous pour cette édition – malgré ses deux victoires et un rang tenu malgré tout. Cela servira sans doute de leçon et d’apprentissage pour la suite d’une aventure que l’on sait brillante, et il a l’intelligence – comme son coach et mentor Kestutis - pour rebondir plus haut encore.

14 tricolores étaient en lice. Tous se sont battus comme des tigres. Anya qui jouait l’une des ténors du circuit et qui aura tout donné devant ses amis, tous les autres passant un tour au moins avant d’abdiquer devant plus forts qu’eux, mais toujours avec cette nouvelle vaillance qui caractérise cette jeune équipe de France. Eloi, Léo, Léa, Julien, Téa, Flavie, Camille, Margot. Tous ont été à la hauteur de l’événement. Par leur attitude, leur état d’esprit. Ils peuvent être fiers.
Et puis, et puis… Thom et Delphine. Après une victoire en Super 1000 en Indonésie, ils sont venus briller devant leurs familles, leurs amis. Glaner cette médaille de bronze tant espérée. En ce vendredi 29 août, ils ont eux aussi distribué du bonheur aux milliers de spectateurs, les libellules au ventre de voir cette paire si sympathique, nature et talentueuse accéder au firmament. Cela faisait 16 ans, depuis la médaille de Hongyan en Inde, que le drapeau tricolore avait été hissé pour la dernière fois sur un podium. Tellement mérité, aussi, pour tout le travail fourni. Pour eux comme pour tous ceux qui ont cru en eux, tout ceux qui, dans l’ombre, polissent, affutent, préparent, réparent. Leurs coachs, Jeppe et Tine, leurs préparateurs physiques, mentaux, les kinés. Avec une pensée aussi, derrière ce succès, pour Fernando Rivas, qui a manqué ce rendez-vous mais qui doit être salué pour le travail effectué depuis son arrivée à Paris et cette réussite collective, avant son retour à Madrid il y a peu.

On retiendra aussi l’incroyable parcours de Victor Lai, le Canadien, inconnu au bataillon ou presque et qui était à 7 millimètres de battre le futur vainqueur, repartant chez lui avec une magnifique médaille de bronze. Que dire de Shi Yuqi, justement, impassible jusqu’au dernier point, remportant 4 matchs en 3 sets ultra serrés avant de s’effondrer en larmes sur le terrain, vidé, épuisé, pour sa première victoire majeure. Les larmes d’An Se Young au sortir de son match où son adversaire Chen Yu Fei se blessait juste avant de l’emporter. Les Coréens Kim et Séo, décidément imbattables. Et l’Asie, qui, une nouvelle fois, raffle tout, ou presque.

Loin des courts, il y avait aussi toute cette manne de petites mains, prêtes à aider, pour rendre cet écrin plus beau encore. Les bénévoles habitués des IFB, mélangés avec les volontaires des J.O. Avec, pour eux aussi, forcément des souvenirs plein la tête au-delà des résultats sportifs. Et la nostalgie, dès le coup de sifflet final, lorsqu’on remballe sa besace, on se dit au revoir et on prend son métro, des souvenirs plein la tête mais le cœur lourd, sans savoir si la magie va réopérer un jour. Si cette belle parenthèse n’était pas qu’un rêve…

Et puis, il y avait nos équipes à nous, la fine équipe Badmintonphoto/Badzine/Solibad, fidèle au poste. Nos bénévoles solidaires incroyables, qui ont tenu le stand dans le village du badminton, avec des belles rencontres – les uns avec les autres, mais aussi avec tous ceux qui, de loin, de Verneuil à Giverny en passant par Villeneuve d’Ascq ou Bénodet, nous soutiennent tout au long de l’année. Des promesses de signature de charte, des achats de goodies, des rires échangés en version colorée. Nos voisins qui nous ont gâté, comme souvent – Catherine et son équipe de chez BDE pour Yonex qui auront été d’une incroyable générosité, nos amis de Larde Sport, les équipes de chez Victor & Forza toujours en attention et pleins d’idées de collaborations solidaires à venir, et l’incroyable Alex de Boite a p’art avec ses deux apprenties magiciennes, qui auront peu dormi, beaucoup vendu et réalisé pour Solibad une magnifique boite nomade. Un immense merci à eux et aux équipes de la Fédération – Océane en tête, qui, malgré des contraintes d’un site à vocation commerciale particulièrement compliquées et peu flexibles, ont réussi à faire de notre village une réussite. Sans parler du don de fin de compétition : des centaines de chaussures qui donneront du baume au cœur (et aux pieds !) à des enfants du Congo et d’ailleurs.
Comme toujours, les équipes de Badmintonphoto étaient sur le pont – trois photographes de talent – Yohan, Jnanesh et Yves, qui ont envoyé près de 8000 photos sur notre fil, repris par des centaines de joueurs, médias, fédérations, dont certaines pépites grâce à une installation de nos boitiers sur le toit du stade. Pas beaucoup de sommeil, mais le plaisir du devoir accompli et des images qui continueront de nous faire rêver dans les semaines et mois qui viennent.

Et puis, et puis, cette incroyable aventure qu’ont connu deux jeunes, Krisna et Miangola. Un jeune apprenti photographe Indonésien vivant avec sa famille dans une déchèterie de Jakarta, et une jeune artiste malgache, bénévole pour Solibad dans son pays pour aider les enfants des rues, qui ont été invités par l’Association Internationale de la Presse Sportive pour observer, apprendre, partager. Les voir évoluer ici, à Paris, très loin de leur condition de vie quotidienne, des étoiles plein les yeux, fut aussi pour ceux qui les auront côtoyé, une belle leçon de vie. Ils ont contribué à notre couverture de ces mondiaux exceptionnels, à Badzine, avec de magnifiques clichés pour Krisna et des dessins particulièrement inspirés pour Miangola, sous la houlette de notre indéfectible et multi talentueux Tarek, pilote tout en attention. Avec Loïc aussi, toujours présent, qui vous aura fait vivre aussi les coulisses avec sa casquette de JRI pour la Fédération.
Cette dernière peut-être saluée, aussi, pour ce travail de titan. Mais au délà, pour une cohésion que l’on sent palpable derrière son dynamique président Franck Laurent, hôte par ailleurs avec sa douce Laure, d’une exceptionnelle soirée à l’Hôtel de ville, où les convives ont été servi, au sens propre comme au figuré, par l’excellence à la Française. Et un mérite Fédéral d’Or pour l’un des artisans majeurs de ces belles années, Philippe Limouzin, mis à juste titre en lumière lors de cette soirée.

Cela fait du bien de voir une équipe fédérale unie derrière ces beaux résultats. Les voyants sont au vert. Et c’est tant mieux.
On ressort de cette édition avec ce mélange d’émotions si caractéristique des grands moments de vie, de sport. Avec, entre souvenirs et nostalgie, la furieuse envie de continuer l’aventure…
Raphaël Sachetat
Photos : Badmintonphoto












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