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Photo du rédacteurRaphaël Sachetat

Lee Chong Wei – « Le jour où j’ai annoncé la fin de ma carrière… »



La légende du badminton malaisienne raccrochait sa raquette officiellement il y a un an exactement. Après avoir tout gagné – sauf les titres majeurs – le joueur raconte aujourd’hui avec beaucoup d’émotion son état d’esprit lors de cette journée particulière. Avec, sans nul doute, derrière cette décision, la grande frustration de n’avoir rapporté à son pays ni la médaille d’or aux championnats du monde, ni la médaille d’Or Olympique, pour la simple raison d’avoir évolué en même temps qu’un certain… Lin Dan. Nous avons choisi de retranscrire ici l’intégralité de cette lettre qu’il a écrite à ses fans lors de cet épisode douloureux et qu'il a republiée hier.

« La décision a été prise il y a 10 jours, avec Datuk Seri Norza (NDLR : Président de la Fédération Malaisienne). Nous nous sommes retrouvés chez Sy Saddiq et avons collectivement entériné ma décision d’arrêter ma carrière. Ils sont tous restés très solennels mais j’ai réussi à gérer mes émotions, même si j’en avais très gros sur le cœur. Ils se sont montrés compréhensifs et je les en remercie. Ils ne m’ont pas obligé à continuer à jouer. Je ne pouvais simplement plus continuer. Ma femme nous a préparer un brunch. J’ai blagué avec mes enfants pendant le repas – nous nous sommes bien amusés. Ensuite, mon assistant personnel – et ami – est arrivé. Il m’a passé le discours que je devais faire pour la conférence de presse. J’ai essayé de le mémoriser – facile.


Après un long bain, j’ai regardé dans mon miroir. J’ai parlé au gars en face de moi. « Tu veux essayer encore une fois ? » Alors, mon regard a commencé à glisser vers mon cou, mon corps. Ce dernier était si frêle et semblait si fragile. Mes muscles étaient mous. La cicatrice sur mon cou était si profonde et si noire après tous ces traitements…


En ouvrant ma garde-robe, j’ai pris la veste Yonex flanquée du tigre et des rayures symbole de la Malaisie, que nous avions choisi pour la conférence de presse. Debout à mes côtés, Mew Choo (NDRL – sa femme) me dit « te rappelles-tu lorsque nous avons commencé à jouer professionnellement, nos T-shirts de l’équipe nationale évoquaient ce même tigre sur fond blanc. Je n’aurais jamais imaginé te voir avec un tigre identique, 19 ans après tout cela ». Elle me regarda dans les yeux. Je n’arrivais pas a trouver les mots, la gorge serrée. « Tu as fait de ton mieux, tu as tout donné » a-t-elle dit.

Ensemble, nous avons pris la voiture de mon ami jusqu’au ministère de la Jeunesse et des Sports. Dans la voiture, on m’apprit que des médias du monde entier m’y attendaient pour la conférence de presse. J’ai à nouveau regardé le discours, pour le relire une dernière fois. De l’autre main, je tenais celle de ma femme.

Soudainement, mon téléphone se mit à vibrer, plusieurs fois. Mes copains d’entrainement, ma famille, mes amis proches. Ils avaient donc été mis au courant. Je n’ai pris aucun appel, je voulais garder mon sang froid. Mais je lisai alors leurs messages, écoutai leurs voix sur mon répondeur… Certains pleuraient, certains m’offraient leur soutien. Beaucoup disaient simplement merci, avec des photos de mes succès avec le drapeau national.

EN arrivant, je croisai mes anciens entraîneurs. Datuk Misbun, Datuk Seu Bock, Hendrawan. Les conversations furent brèves. Ils me connaissaient par cœur pour avoir passé tant de temps avec moi. Ils savaient que je devais rester focalisé, pour garder mes émotions pour moi. Je ne voulais pas pleurer en public. Pas devant des millions de malaisiens et les médias du monde entier.

Je me suis assis entre Datuk Seri Norza et Yb Sy Saddiq. J’ai alors commencé mon discours. Mais en face de tout ce monde, je ne me rappelais plus ce que je devais dire avec seulement les grandes lignes de ce que j’avais pourtant lu maintes fois. J’avais oublié toute ma grammaire, tout mon bahasa. Mais je m’accrochais tout de même – du moment que je ne craquais pas. Mais à l’intérieur, je tremblais, j’étais bouleversé.




Ils commencèrent à remercier mes entraîneurs, mon équipe. Soudain, les premiers flashbacks me revinrent – comment j’avais commencé à m’entraïner dans la province de Penang, de tous ces entraînements au petit matin, les blagues des copains, les arrivées sur les courts, puis les cris des fans qui scandaient mon nom, les émotions que j’avais pu ressentir toutes ces fois où, sur le podium, je regardais mon drapeau. Je ne pouvais plus retenir mes larmes…


Voilà un an que j’ai annoncé cette fin de carrière, après 25 ans sur les courts. Cela ne sera plus jamais pareil, mais je crois que j’ai pris la bonne décision, d’arrêter à ce moment-là. Après tout, j’avais tout donné. Même si parfois, cela n’avait pas suffit »


Photos : Badmintonphoto

 

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